Friday, November 7, 2014


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La grenade « offensive » qui aurait tué Rémi Fraisse au cœur de la polémique

Gaspard Glanz et Camille Martin (Reporterre)
jeudi 30 octobre 2014
Rémi Fraisse a-t-il été tué par une grenade offensive ? Alors que les premiers éléments de l’enquête semblent attester cette hypothèse, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé la suspension de l’utilisation de cette grenade qui suscite le débat. Reporterre fait le point sur le recours à cette arme lors des manifestations et sur les réactions politiques.

31 juillet 1977, Vital Michalon, professeur de physique de 31 ans, est tué lors d’une manifestation contre la construction du surgénérateur Superphénix à la centrale de Creys-Malville (Isère). 26 octobre 2014, Rémi Fraisse décède au Testet lors de la manifestation contre le projet de barrage.
Mais l’engagement écologiste n’est pas le seul point commun qui lie ces deux drames. Tous deux sont morts de la même arme : la grenade offensive. Trente-sept ans plus tard, Emmanuel Michalon, frère du défunt, lance d’ailleurs un nouvel appel à l’interdiction de celle-ci, dans une interview accordée ce matin au Parisien.
Le 31 octobre, les dernières analyses ont confirmé que c’était bien une telle grenade qui a tué Rémi Fraisse.
Quelle est donc cette arme ? Son nom de code est « grenade OF F1 », c’est une arme de 4e et 5e catégorie dite « de classe A2 ». Elle figure dans l’arsenal anti-émeute à disposition des forces de l’ordre comme prévu par l’article D211-17 du code de la sécurité publique, et a pour but de « regagner du terrain » sur les manifestants. L’utilisation est encadrée par le décret n°0151, du 1er juillet 2011.

L’arsenal anti-émeute des forces de l’ordre

Les CRS ont plus fréquemment recours à des grenades lacrymogènes, assourdissantes ou de désencerclement. Mais c’est une grenade explosive qui a failli arracher la main d’un pompier gréviste, en 2011, à Lille.
Plus rarement utilisée donc, cette grenade n’en fait pas moins des ravages. Si la "OF F1" ne possède ni poudre lacrymogène ni éclats, elle contient du trinitrotoluène (TNT), un puissant explosif. Elle génère donc des explosions beaucoup plus puissantes que ses petites sœurs.
Peut-elle tuer ? Non, si l’explosion a lieu à distance. Elle n’est d’ailleurs pas considérée comme « une arme létale ». Mais l’explosion de plusieurs grammes de TNT peut gravement blesser, voire provoquer la mort, en cas de contact avec la grenade.
Passé par l’armée comme caporal, Jacques-Marie Bourget, raconte ainsi au journal Le Grand Soir l’expérience qu’il a pu faire de la grenade lors de son service militaire : « La grenade offensive – qui ne doit jamais être lancée dans un lieu fermé – est dangereuse par son bouchon allumeur. […] Il se compose d’une tête cylindrique apparente qui porte la cuiller et sa goupille : puis d’un autre cylindre, plus allongé, qui plonge à l’intérieur de la grenade : le détonateur. Quand tout cela se met en branle, l’explosif contenu dans la grenade détonne brisant la tôle qui sert d’enveloppe. Quant au bouchon, il s’envole comme une balle. Si, par malheur, votre corps se trouve sur sa trajectoire, vous êtes mal ».
Est-ce l’arme qui a tué Rémi Fraisse ?
L’enquête en cours devra confirmer si Rémi Fraisse a bel et bien été touché par une "OF F1". Mais des traces de TNT ont été découvertes sur ses vêtements, comme l’a indiqué le procureur Claude Dérens, lors de sa déclaration officielle lundi soir : « La mise en œuvre d’un explosif militaire de type grenade offensive semble acquise ».
Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a annoncé la suspension de l’utilisation de cette grenade. Une décision qui a entraîné depuis des réactions politiques en chaîne. Alors que le Parti de Gauche et EELV demandaient sa démission, Christian Estrosi en a pris hier le contre-pied, regrettant la décision du ministre :
"Moi je veux défendre nos forces de gendarmerie et je regrette que le ministre de l’Intérieur n’ait pas été plus solidaire des gendarmes", en ayant "ce geste de défiance de leur retirer les grenades offensives qui font partie, alors que nous sommes sur un plan Vigipirate classé au plus haut niveau, (...) de l’arsenal dont nous avons besoin pour défendre notre pays", a déclaré l’ancien ministre.
Plus tard dans la soirée, c’est le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), Denis Favier, qui prenait position lors d’une interview à BFM-TV en excluant de suspendre le gendarme qui a tiré la grenade provoquant la mort de Rémi Fraisse.

Un retour aux textes de loi s’impose peut-être, pour mieux apppréhender la situation. L’article R 431-3 du Code pénal rappelle ainsi que « l’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre public. La force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser et doit prendre fin lorsque celui-ci a cessé »

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